lundi 15 janvier 2018

Où l'on comprend le rôle de Catherine Deneuve dans l'affaire...

Depuis une semaine, on y perd son latin. A coups de tribunes, contre-tribunes, émissions de radio, de télé, d'interviews diverses et variées, les #metoo et leurs "opposants" s'écharpent. Et peu à peu, les verrous sautent et l'on finit par comprendre comment les choses se sont déroulées.

La chronologie a parfois du bon.
A l'automne dernier, coups de projecteurs sur les Etats-Unis : le monde entier n'a d'yeux que pour Weinstein. Les stars d'Hollywood et les femmes d'outre-Altantique se lancent dans le mouvement #metoo. Ici, #balancetonporc suit le mouvement. En décembre, Catherine Millet, invitée sur France culture, balance non pas son porc mais la phrase sans quoi rien après ne se serait vraisemblablement passé de la même façon : "je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée. Parce que je pourrais témoigner que du viol, on s'en sort". Elle ajoute aussi que "les femmes très moches et très vieilles seraient contentes de se faire harceler".

Dans la foulée, elle rencontre Peggy Sastre et Abnousse Shalmani. Les trois femmes partagent la même analyse face à ce mouvement anti-harcèlement : elles ont le sentiment que l'on sombre dans le puritanisme. C'est alors qu'elles décident de rédiger une tribune. Le 5 janvier, elles contactent la rédaction du Monde pour proposer ce texte. Intérêt de principe du côté du journal où l'on attend toutefois de pouvoir juger sur pièce. Le texte est présenté en conférence de rédaction du 8 janvier et l'on décide qu'il sera publié, comme contrepoint aux nombreux témoignages, reportages et enquêtes sur le harcèlement que le quotidien a déjà publiés et/ou s'apprête à publier. 

Cerise sur le gateau : le soir même, Catherine Millet prévient la rédaction que Catherine Deneuve a accepté de signer le texte. Emballement général. "Impact maximum garanti", considère-t-on au Monde. A ceci près que, selon le Figaro, c'est parce que Catherine Millet, Peggy Sastre et Abnousse Shalmani lui ont forcé la main - à la limite du harcèlement pour le coup - que l'actrice aurait finalement décidé d'ajouter son nom à la liste des signataires, quelques heures seulement avant la parution du texte. Il leur fallait une caution médiatique, elles avaient besoin d'un nom qui claque, d'une personnalité que l'on écoute, d'un visage qui ne passe pas inaperçu. Banco ! Sans Catherine Deneuve en tête de gondole, The Guardian ne se serait pas intéressé à cette tribune, pas plus que le monde du cinéma hollywoodien.

Oui mais voilà. Nouveau rebondissement. On ne s'arrache pas les faveurs de Catherine Deneuve comme ça sans que ça éclabousse un peu. Si la semaine dernière, celle qui fut signataire en 1971 de l'appel des 343 salopes avait choisi le silence radio complet, elle a dégainé ce lundi dans une lettre que le quotidien Libération publie. Elle s'explique et force est de reconnaître qu'elle y met du style et de l'intelligence, là où la tribune de Millet n'était qu'un plaidoyer médiocre pour que surtout rien ne soit changé aux codes du monde dans lequel on vit. L'actrice "n’aime pas cette caractéristique de notre époque où chacun se sent le droit de juger, d’arbitrer, de condamner", pas plus qu'elle n'apprécie ce qu'elle appelle "les effets de meute". C'est la raison pour laquelle elle ne s'était pas associée à #metoo et #balancetonporc. Et c'est aussi pourquoi dit-elle, elle a signé la tribune de Millet, un texte qu'elle a jugé "vigoureux, à défaut de le trouver parfaitement juste". En glissant son nom dans la liste des signataires, Catherine Deneuve a souhaité marquer son inquiétude s'agissant du monde des arts. Elle craint le grand nettoyage, la censure. "Va-t-on brûler Sade en Pléiade?" demande-t-elle.

Photo Libération, Une du 15/01/2018

Elle assume sa signature mais dénonce les attitudes de certaines, ces derniers jours. Elle écrit : "quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient, on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale". On retiendra son sens de la formule.

Surtout, si selon elle "rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé", Catherine Deneuve prend semble-t-il la mesure de l'émotion générée par cette publication et salue "les victimes d'actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune". Elle conclut : "c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses".

Catherine Deneuve ou l'art et la manière de donner des leçons... Embarquée presque contre son gré dans cette histoire, elle s'en sort la tête haute, écrasant au passage celles par qui le scandale est arrivé, leur donnant deux-trois leçons de savoir-être et de respect. On attend maintenant la réplique de Catherine Millet. Ce débat vire à la joute verbale et les "féministes" n'ont même plus à ajouter leur voix dans l'arêne. Il leur suffit de regarder et de compter les points. Aujourd'hui, elles ont plutôt Catherine Deneuve à la bonne...

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